Le télétravail en entreprise menacé? "En France, le management est trop vertical, basé sur le contrôle"

Trois syndicats de la Société Générale appellent les salariés à faire grève vendredi pour le maintien de leur quota de jours de télétravail, que la direction souhaite, dans la plupart des cas, passer de deux à un par semaine.
Démocratisé depuis le premier confinement en mars 2020 lors de la crise sanitaire du coronavirus, le télétravail en entreprise n'était de l'ordre que de 3% avant cette date, rappelle ce vendredi sur RMC Jean-Claude Delgènes, fondateur du cabinet Technologia et auteur de Osez le télétravail ! "On est passé de 3 % à 36 % en très peu de temps", affirme-t-il, estimant que cette pratique est entrée "un peu par effraction dans nos vies" avec un grand retard sur les autres pays européens.
"L'avantage est qu'on a gagné dix ans de maturité numérique en quelques mois", note-t-il.
"Les accords autorisant au moins deux jours de télétravail par semaine sont les plus fréquents en 2023. Depuis 2022, les formules plus modérées, comme un jour par semaine, sont en progression. Et les accords proposant trois jours de télétravail hebdomadaire ou plus sont de plus en plus nombreux depuis 2020. En 2023, ils représentent deux accords sur dix", fait savoir la Dares.
Alors pourquoi des entreprises, à l'instar de la Société générale mais aussi Ubisoft (le géant français du jeu vidéo, NDLR) décident depuis plusieurs mois, de revenir en arrière et de vouloir réduire les journées de télétravail de leurs employés?

La conséquence notamment d'un mauvais management, répond Jean-Claude Delgènes. "En France, on a un management de style 'louis quatorzien' : très centralisé, vertical, basé sur le contrôle. Ce type de management est contradictoire avec les exigences du télétravail : il faut faire preuve d’empathie, faire confiance, et parfois faire preuve de compassion", analyse-t-il au micro d'Apolline matin. "Les managers n'ont pas assez été formés".
Quid des performances des télétravailleurs? Toujours le management en cause, selon l'auteur. "Si vous êtes mal managé, vous êtes moins productif. C’est comme le Tour de France dans un peloton : les gens se tirent les uns vers les autres, il y a une émulation collective. C’est pareil avec le télétravail : l’effet de groupe entraîne les uns vers les autres. Si vous ne compensez pas par un bon management, vous avez une déperdition importante en matière de productivité. Des études l’ont prouvé", soutient Jean-Claude Delgènes.
Selon lui, les salariés ont d'autant plus raison de vouloir maintenir le télétravail puisqu'il représente un gain en termes de salaire. "Ça représente entre 5 à 8 % d’augmentation de pouvoir d’achat : vous n’allez pas manger à l’extérieur, vous ne dépensez pas l’essence de votre voiture." Certaines entreprises, elles, versent des euros supplémentaires à leurs employés selon le nombre de journées de télétravail effectuées par mois pour prendre en charge, notamment, le coût de l'électricité.
"On est passé du droit au télétravail à l’obligation de télétravailler, pour ne pas être dans des endroits intensifiés, avec promiscuité, chaleur, bruit", analyse Jean-Claude Delgènes
Selon Jean-Claude Delgènes, les entreprises ne peuvent de toute façon par revenir en arrière d'un seul coup, en raison du "flex office". "On a 1.000 personnes et donne 500 postes". A titre d'exemple, les employés de la Société générale ajoutent cette journée de grève une "opération 'Tous sur site'" le jeudi 3 juillet, censée démontrer les difficultés logistiques si les salariés revenaient tous en même temps sur leur lieu de travail.
Ce dernier poursuit son analyse: "Le télétravail est vraiment lié à la gestion des espaces de travail. Les boîtes ne savent pas faire et considèrent qu’il faut finir avec cette parenthèse. Elles sentent qu’elles perdent un levier de management".
RMC